les vins de la région Emilie-Romagne

Le mois de juillet m’a permis de retourner une nouvelle fois en Emilie-Romagne. L’Italie ne cesse de vous surprendre. Avec ses 450 cépages autochtones, plus qu’en France, l’amateur se balade de découvertes en découvertes. Basé cette fois-ci entre Modène et Bologne, c’est d’abord avec ce vin assez mystérieux pour nos palais français, le Lambrusco, que je me suis familiarisé. Coté blanc, quelques découvertes à travers le Pignoletto et l’Adana se révélaient intéressantes. Et côté rouge, le plus réputé des cépages italiens, le Sangiovese, se décline sous suffisamment d’expressions pour satisfaire à tous les palais. Attention, même si l’heure du repas est encore lointaine, vous aurez faim et soif à l’issue de cette chronique. 

Avec le jambon de Parme, le vinaigre balsamique de Modène, le parmigiano reggiano et la sauce bolognaise, l’Emilie-Romagne a largement contribué au rayonnement de la gastronomie italienne à travers le monde. La plaine fertile du Pô a facilité depuis des siècles le dynamisme local jusqu’à en faire aujourd’hui l’auto-proclamé  « Food Valley » italienne. C’est d’ailleurs à 20 km au nord de Bologne que la franchise Eataly a ouvert son premier parc d’attractions gastronomiques sur 10 hectares. C’est tellement immense qu’on pourrait y passer la semaine entière à s’initier à la fabrication de la glace à l’italienne ou à la confection des raviolis. 

Mais c’est en se promenant sous les arcades de Bologne, la ville en compte plus de 40 km, un record mondial, que vous vous arrêterez peut-être dans une trattoria pour découvrir enfin le goût des vrais pâtes « al ragu » (bolognaise). Je ne vous lâcherais pas un scoop en vous disant que cela n’a pas grand-chose à voir avec ce que l’on trouve vendu en pot à la superette du coin. Bref sur place, c’est plutôt, garçon, servez une deuxième assiette s’il vous plait. 

Et tant qu’à être attablé, autant accompagner vos spaghettis d’un verre de vin local. Pour cette sauce cuisinée à base de tomates fraîches et de viandes rôties, les rouges issus du cépage Sangiovese sont idéals.  Véritable cépage porte-drapeau de l’Italie, il s’est diffusé depuis la zone du Chianti à l’ensemble des provinces italiennes. Il règne notamment en maître en Emilie-Romagne.

 J’ai particulièrement apprécié ceux en provenance de l’appellation « Sangiovese di Romagna ». La cuvée Solaris du domaine Zavalloni est un véritable jus coulant en bouche. Les arômes balsamiques envoutants accompagnent à merveille la tomate quand l’élevage en barrique subtil s’harmonise avec le rôti de la viande. 

En se rapprochant de Ravenne, après avoir quitté le circuit d’Imola tout proche pour essayer ma dernière Ferrari (je plaisante grosse cylindrée et vin ne font pas bon ménage), je vous inviterais bien à découvrir la version Superiore Riserva de la Villa dei Gelsi. Dégusté sur place, le vin encore jeune gagnerait à vieillir car les tanins saillants du Sangiovese s’expriment encore pleinement. Cependant la matière est de qualité et l’acidité sous -jacente suffisante pour qu’il s’épanouisse dans le temps avec grandeur. 

Je ne peux évoquer Ravenne sans parler de ses mosaïques. Franchement, il faut voir ce patrimoine exceptionnel au moins une fois dans sa vie. C’est magique !

Nous avons aussi gouté sur place des vins blancs qui, pour premier mérite, s’expriment différemment de nos cépages français. Le cépage Albana offre une grande richesse en bouche. Ses notes de fruits secs et une légère sensation amère évoque la peau de raisin en bouche. Il me semble qu’un quasi de veau accompagné de légumes du soleil grillés, avec quelques fines tranches de truffes blanches d’été lui conviendrait bien. Comme souvent en Italie, il existe aussi une version liquoreuse et effervescente de ce cépage.

Même si l’Albana est en blanc la star locale, mon coup de cœur fut pour le cépage Pignoletto (ou Grechetto Gentile). Planté sur diverses zones de collines dans la province, il offre une belle fraîcheur sur des aromes de pommes et d’agrumes. 

Goûté dans un premier temps en version « frizzante », la perlance très fine du vin semble indiquer que le gaz carbonique n’a pas été ici rajouté mais est naturel et résiduel de la fermentation alcoolique. Les antipasti de fruits de mer (non iodés) accompagnés d’une crème légère lui convenait à merveille. 

Sans être grandiose, le vin est naturellement rafraichissant, bien fait, agréable et il « fait le job ». Relaxons-nous, le vin reste avant tout une boisson qui, avant de recevoir une note de 100/100, est là pour se savourer et partager de bons moments entre proches. 

Dégusté en version sec classique, le Pignoletto Classico du domaine Il Monticino offre une belle matière qui s’allonge en bouche. A la fois floral et fruité, il tapisse le palais d’un joli gras et on apprécie cette sensation tactile. Il affronterait facilement un tataki de thon servi avec quelques cubes de concombre. 

Place maintenant au vin le plus emblématique de la région, le Lambrusco. Produit essentiellement au nord de Modène, c’est au départ un vin rouge effervescent laissant une relative sucrosité en bouche. Je dis au départ, car il existe une grande variété d’expressions sous une même dénomination et plusieurs variétés de ce cépage. 

La plus connue est la variété en provenance de Sorbara, le cœur historique du Lambrusco. Ici les vins offrent une couleur souvent plus rosée que rouge et cette variété (qui a sa propre appellation « Lambrusco di Sorbara) offre des vins souvent légèrement moelleux.

L’autre variété, qui elle aussi a donné son nom à une appellation : « Lambrusco Grasparossa di Castelvetro », est connue pour livrer des vins plutôt secs, à la couleur soutenue et à l’expression tannique plus intense. Un peu comme si on buvait un vin rouge classique, avec des bulles en plus. 

Il est en fait assez difficile de donner une image-type du Lambrusco. Les producteurs peuvent jouer en effet sur le choix des raisins, l’effervescence plus ou moins accentuée, la sensation de sucrosité, la couleur du vin, et ce, dans des proportions si importantes qu’au final, une bouteille ne ressemble pas à une autre. 

Quand un Grasparossa Corletto bien sec, assis sur sa colonne tannique passait relativement bien avec un confit de tomates séchés, le Sorbara Cavichicchioli plus sucré, sans être plus effervescent, nous laissait plus imaginer l’accord avec un bleu peu marqué comme un bleu de Sassenage, suivi d’une coupelle de fruits rouges d’été. 

Ce périple en terre italienne rappelle une fois de plus que l’Italie est clairement la jumelle de la France. Un voyage là-bas est une découverte hautement culturelle, qui se poursuit dans l’assiette et dans le verre. Un régal !