Du pif et du saucisson !

les accords vins et charcuteries

L’imagerie populaire du français vu de l’étranger voudrait qu’il porte encore un béret, une baguette et un litron de vin sous le bras, avec un saucisson qui dépasse de sa poche. Pourrait-on donc être champion du monde de la consommation de saucisson sans investir le champ des accords vins et charcuteries ?  Non ! Alors partons en ripaille !

 

La charcuterie est l'ensemble des spécialités alimentaires obtenues suite à la transformation de viande. Elle est essentiellement à base de viande de porc, mais l'on peut trouver de la charcuterie faite avec du gibier (sanglier, lièvres pour les pâtés et saucissons), ou de la volaille (dindes, poulets, canard). On distingue trois grands types de produits : les salaisons (sans cuisson, jambon, saucissons, chorizo), les produits cuits (jambons cuits, pâtés, rillettes, boudins, andouilles) et le reste des produits comme les saucisses à cuire (source : Le Parisien – 26 octobre 2015). Le sel en est souvent historiquement le principal agent de conservation.

Les vins « sur le fruit » se retrouvent facilement en vedette face aux « cochonnailles »

C’est justement le sel qui sert de point de départ à l’accord, car il est notoire que le fruité équilibre le sel. Ainsi les vins « sur le fruit » se retrouvent facilement en vedette face aux « cochonnailles », notamment les vins du Beaujolais et des bords de Loire.

Si les vins les plus fruités vont perdre un peu de leur fruit face au gras de certaines spécialités, leurs côtés charmeur et rafraîchissant s’en sortent aussi renforcés.

Les vins plus épicés seront conservés sur des salaisons plus riches en poivre, sel et épices.

Passons donc à notre atelier de dégustation.

Sur un jambon blanc « Prince de Paris » d’Yves Le Guel, « cuit au torchon » dans un bouillon aromatique, qui lui apporte beaucoup de moelleux, la couleur du met invite à jouer l’accord avec un vin blanc.

J’ouvre un Chablis Vieilles vignes de chez Gautheron. Le nez est typé floral et agrumes avec une belle minéralité et des arômes de poire et de pomme, complétés par une pointe d’acacia.

L’accord semble évident ! La chair moelleuse du jambon offre une trame assez dense. Il convient donc d’y associer un vin qui puisse enrober « la masse » tout en apportant de la fraicheur. Ainsi le Chablis alliant rondeur et minéralité s’impose naturellement.

 

Chez Colette Sibillia aux Halles de Lyon, « la Hure », préparation réalisée à base de morceaux de tête de cochon, cuite trois à quatre heures dans un grand faitout avec du vin blanc, du bouillon et des aromates puis déposée dans une terrine tapissée de feuilles de graisse, je tente l’accord « local » avec le Fleurie Clos de la Roilette, fameux terroir du Beaujolais et monopole de la famille Coudert.

La bouche ample, puissante et dense offre une exceptionnelle expression de ce terroir particulier rendu complexe par ses filons d’argile et de manganèse dans le sous-sol.

La Hure est une charcuterie de caractère, aux saveurs puissantes, couplée à une texture légèrement croquante.

Le Fleurie apporte ici sa puissance et sa personnalité affirmée pour tenir tête à ce fromage…. de tête qu’est la Hure.

Les charcuteries crues (saucissons, jambons crus...) plus riches en sel, voire en poivre, dominent rapidement la bouche. Les vins qui leurs sont alliés auront besoin de tous leurs atouts dans cette confrontation parfois destructrice.

Avec Le véritable saucisson de Lyon, saucisson sec pur porc, haché très finement, avec une quantité de gras réduite (autour de 15 %), séché durant quatre à cinq semaines, à la saveur authentique, j’essaie le Crozes-Hermitage « C’est le printemps » de Dard et Ribo.

Ce domaine reconnu pour délivrer des vins très naturels nous offre une pure Syrah élevée simplement en cuve. Le vin sent bon le fruit juteux et les tanins sont faciles en bouche.

Le vin entièrement construit sur son fruit apporte aussi sa fraicheur et son nez épicé, afin d’épauler le saucisson lyonnais

Le vin entièrement construit sur son fruit apporte aussi sa fraicheur et son nez épicé, afin d’épauler le saucisson lyonnais, aux saveurs marquées, aillées et poivrées. Une alliance dans l’esprit « casse-croûte entre copains » !

Sur une terrine de campagne obtenue avec deux-tiers de viande de porcs sélectionnés et un-tiers de chair de volaille, relevée par les aromates et l’Armagnac, j’essaye le Chinon « Les Picasses » 2006 de chez Olga Raffault.  Ce vin élevé en barriques, issu de cabernet franc sur de beaux coteaux argilo-calcaires, est déjà fondu par l’âge.

Sur cet accord, nous avons une terrine goûteuse qui s’exprime par des saveurs un peu confites et grillées dues à sa cuisson. Le Chinon lui apporte toute sa puissance et révèle ses arômes évolués (coté animal, sous-bois…), qui crée un accord automnal réussi.

Sur un jambon Pata Negra longuement affiné, ultra-fondant en bouche, j’aime particulièrement jouer l’accord national avec le Fino « Electrico » de chez Tora Albala en Andalousie. Ce vin à la fois puissant en cœur de bouche mais laissant une sensation « sèche » en final équilibre à merveille le gras du jambon et offre une alliance magnifique avec la salinité puissante du vin.

Place au saucisson à cuire ! J’opte pour un cervelas en accord avec le Touraine blanc « Brin de Chèvre » de Thierry Puzelat au domaine Clos du Tue-Bœuf.

De nouveau un vin naturel qui joue la carte de la franchise avec une forte personnalité. Le vin est obtenu à partir d’une parcelle de très vieilles vignes d’un cépage local très rare : le Menu Pineau. Il offre un nez de fruits jaunes, de fleurs et d’épices mais la finale laisse une sensation de vin droit, tranchant et minéral. 

En termes d’accord, on joue ici sur l’opposition et les contrastes. La vivacité, la minéralité et la finesse du vin réveille la texture grasse et riche du cervelas tout en respectant sa finesse aromatique. On est gagnant !

Ah quelle belle dégustation de « canailles », où clairement les bouteilles au fruité débordant, prennent le devant sur les vins complexes ou trop richement dotés. Ce type de vin offre leur acidité équilibrante face au gras des charcuteries quand fruité et salé se marient uniquement pour le meilleur. 

Bon, je vous laisse, les copains m’appellent pour un nouveau « mâchon ». Cette fois-ci je leur ai dit « Ok les gars mais sans le côté vinaigré du cornichon svp, parce que sur le vin…. ! Il est dur de résister !

Découvrez nos prestations :  pour les particuliers et pour les entreprises