La raclette comme la fondue sont des mets appréciés des français à la saison hivernale. Traditionnellement on accompagne ces plats de vins blancs et plus spécifiquement de vins blancs savoyards pour jouer l’accord régional. D’autres alternatives existent. Je vous propose de les explorer.
Selon la légende, les bergers savoyards et suisses avaient pour habitude de faire un grand feu pour se réchauffer l’hiver. Un jour, un berger, il s’appelait Léon, a laissé son fromage trop près du foyer, la meule a commencé à fondre, l’obligeant à « racler » le fromage avec son couteau. Devant tant de délicatesse, lui aussi aurait « fondu » ! Chaleur réconfortante d’une pâte à la texture onctueuse, arômes de fleurs de montagne qui se complexifient avant de se perdre dans une finale voluptueuse, parfois relevée d’une pointe d’amertume…il n’en fallut pas plus pour que Léon récidive et claironne dans tout le canton, que la raclette, c’est vachement bon. Puis, le bouche à oreilles faisant son travail, la raclette était née ! (Extrait du blog : swisswinevalais.ch)
Avec la raclette en général les vins blancs sont privilégiés.
Cependant la charcuterie apporte une touche finement salée et s’accompagne facilement de vin rouge. N’oublions pas enfin la douceur des pommes de terre qui fond l’ensemble.
Côte vin blanc, une tendance naturelle est de privilégier les vins locaux issus de Savoie ou du Valais. Ceux affichant une franche nervosité, dotés d’une belle fraicheur acide, contrebalanceront le gras du fromage. Un certain volume en bouche sera aussi nécessaire pour se confronter à la puissance du fromage fondu, à la douceur de la pomme de terre et au salé de la charcuterie.
En Savoie j’apprécie particulièrement la cuvée « Crac Boum Bu » du domaine Saint-Germain. Cet assemblage bio de Jacquère, Mondeuse blanche et Chardonnay « fera mouche ».
Le Paien (ou cépage Heida en version germanophone) de chez Pierre-Elie Carron apportera une belle note de complexité à votre raclette, surtout si celle-ci intègre des fromages variés, aux arômes plus puissants.
Hors de ces régions, des Chablis dans leurs versions simples, des Cour-Cheverny issus du rare cépage Romorantin, feront aussi de beaux partenaires. Si votre curseur est plus « aromatique au nez » que « franche acidité en bouche », je vous orienterai volontiers sur des Rieslings issus de sols calcaires (le Riesling Grand Cru Bruderthal de chez Neumeyer par exemple) ou de belles cuvées de Muscadet, comme la cuvée « Granit de Château Thébaud » de chez Jeremy Huchet.
Côté vin rouge, il vous faudra plutôt aller chercher le côté « glou-glou », avec des vins peu tanniques et intensément fruités.
En effet, les notes de petits fruits rouges du vin viendront équilibrer le sel du fromage et de la charcuterie. Enfin ce type de vin rouge conservera assez de fraicheur pour accompagner le plat.
Toutes les régions viticoles produisent ce type de vin. On se fera facilement plaisir avec la cuvée « Vieilles Vignes de Gamay » du domaine de la Petite Gallée en appellation Côteaux du Lyonnais.
Je pense aussi à la cuvée « Pureté 400 » du Clos Bellane en Côtes du Rhône-Villages-Valréas, un pur Grenache noir qui laisse dans son sillon un bel éclat en bouche.
On pense souvent à boire des « bulles » en France à l’heure de l’apéro ou au moment du dessert. C’est oublier que les vins effervescents apportent cette acidité qui accompagne à merveille beaucoup de fromages, et notamment les fromages fondus.Les « Blanc de Blancs » sont une vraie carte-maîtresse sur une raclette ou une fondue. Issu de Jacquère en Savoie (je parlais dans ma chronique précédente du superbe Brut Alpin millésimé 2015 en provenance du domaine Blard) , ou de Chardonnay en Bourgogne ou en Champagne, de Pinot Blanc en Alsace, ces effervescents dynamiseront votre bouche et « nettoieront » votre palais de l’excès de sensations grasse et crémeuse. Si vous sélectionnez un Extra-Brut ou un Brut Zéro-Dosage, des bulles » peu chargées en sucre, votre bouche gagnera en élégance.
Pour la fondue, spécialité suisse au départ, plus d’accompagnement, hormis le pain sec ! Ce sera un face-à-face fromage contre vin, avec des arômes plus soutenus, encore plus quand l’ajout d’une gousse d’ail et d’un peu de Kirsch s’invitent dans votre préparation.
La combinaison de fromages la plus célèbre associe gruyère et emmental. Cette alliance est idéale car les deux fromages s’équilibrent l’un l’autre : dégusté seul, l'emmental (remplaçable par le vacherin fribourgeois) manque de saveur, contrairement au gruyère très aromatisé et riche, mais difficile à manger en quantité.
Que boire avec ? Les suisses préconisent de ne jamais boire d’eau avec une fondue. L'eau se figerait dans votre estomac, en y formant une pâte de fromage que votre système digestif aurait du mal à assimiler. Même si on sait que l’alcool n’est pas le meilleur « hydratant », je suis d’avis qu’il faut écouter la sagesse suisse !
Comme pour la raclette, notre choix de vin blanc sera en priorité guidé par l’équilibre acide du vin.
Je monterai juste un peu en force dans la singularité du vin, ce qui fera d’ailleurs d’autant plus plaisir à nos papilles.
En Savoie, je vous recommande la cuvée « Le Verney » du Château de Mar issue du cru Marestel. Cette pure Altesse offre du caractère, sans basculer sur un gras en bouche qui serait malvenu sur la fondue.
Dans le Canton de Vaud, le domaine Bovy propose un joli Chasselas aromatique sur le terroir de Saint-Saphorin (la cuvée simple et pas la « Vieilles Vignes ») au sein du merveilleux vignoble classé de Lavaux.
Côté rouge, faites-vous plaisir avec la cuvée « Corps de Garde » du domaine Goisot en Côtes d’Auxerre. Une merveille de Pinot noir, offrant finesse et race à la fois.
La cuvée « Grille-Midi » de chez Pauline Passot à Chiroubles offre aussi un Gamay ambitieux, car complexe, tout en restant sur une veine fraîche et fruitée.
Allons même en Corse, se laisser tenter par la cuvée « Elegante » (nom local du Grenache noir) du domaine Sant’Armettu. Son esprit très « bourguignon » combine force de caractère et un fruit tout en « dentelle ».
Comme pour la raclette, les effervescents peu dosés feront de solides alliés, mais on peut aussi s’amuser avec de jolis cidres de caractère. Je pense à la cuvée « Réserve » de la Maison Dupond dans le pays d’Auge. Ce cidre affiné en vieux fut ayant contenu du calvados, prend un caractère qui s’alignera sur la force du fromage fondu. Dans une version Extra-Brut, très différente du précédent, la cuvée « Rosière » de chez Antoine Marois réveillera vos papilles par son élan dynamique.
Je pourrai aussi vous parler d’accords autour d’une bière ou d’un thé noir indien Assam, moins ludique mais peut être meilleur pour votre digestion. Ses notes boisées accompagneraient l’onctuosité de votre fondue ou le gratiné de votre raclette.
Laissez-vous porter par votre instinct, amusez-vous, mais gardez à l’esprit que fruité et salé s’équilibrent et que l’acidité est tout de même bienvenue face à cette somme de « fondus ». Bon repas au coin du feu.
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