Le retour des cépages hybrides

le retour en grâce des cépages hybrides

Les épisodes de gel récurrents, le réchauffement climatique, les nombreuses maladies qui déciment sans cesse plus rapidement le vignoble mondial, remettent sur le devant de la scène le sort des cépages hybrides.  Mais

Qu’est-ce qu’un cépage hybride ?  Quels sont ses avantages et ses défauts ?

Accusés à tort d’être des produits OGM, bannis par les autorités françaises au milieu du XXème siècle, accusés même de nous rendre « fou », le discours général nous a conforté dans un rejet des cépages hybrides déjà existants ; Noah, Clinton, Othello, etc. Pourtant les initiatives de création ou de relance sont de plus en plus nombreuses, et les autorités mondiales acceptent à nouveau de se pencher sur leur cas.

A son retour de France, à l’aube de la révolution de 1789, Thomas Jefferson, troisième président des Etats-Unis d’Amérique et « fan » absolu des vins français, tenta à plusieurs reprises d’introduire des plants de vignes européens sur ses terres de Virginie. Il connut échec sur échec. Son expérience infructueuse fut aussi celle de nombreux migrants, qui durent constater que le froid intense à certaines périodes de l’année, et autres pathogènes alors inconnus, décimaient nos cépages européens.

En revanche nos cépages d’espèce Vitis Vinifera, plantés à proximité de cépages américains, principalement de type Vitis Labrusca, concoururent à l’émergence de nouveaux cépages, issus d’hybridations spontanées ou volontaires.

Ce sont en partie ces mêmes cépages, auxquels on fit appel pour faire face à la crise du phylloxera qui ravagea, au début du XXème siècle la majeure partie du vignoble mondial. On opéra alors différentes nouvelles formes de croisement, en sélectionnant les meilleurs hybrides pour la production de raisins.

Dans un premier temps ces hybrides furent acclamés par les vignerons, qui constatèrent leur résistance non seulement face au puceron mais aussi à deux maladies, qui continuent, aujourd’hui encore, à détruire des dizaines de milliers d’hectares, à savoir le mildiou et l’oïdium.

Facile à cultiver mais poussés à des rendements trop importants, ils furent aussi indirectement responsables de la crise de surproduction, qui entraîna leur interdiction partielle en France, à partir de 1935 puis quasi-définitivement dans les années 70.

Le retour en arrière ne fut pas total, car le vilain puceron rôdant toujours, nos vignes traditionnelles reposent généralement sur des porte-greffes, hybrides d’origine américaine, « Soldat Ryan » étant insensible à l’insecte.

Comme l’indique Marc-André Selosse, professeur au Museum d’Histoire Naturelle, dans une tribune publiée sur le site Vitisphere en juillet 2021, l’hybridation n’est pas contre-nature, ou la plupart de nos plantes et fougères actuelles n’existeraient pas. « Les blés tendres, dont on tire notre pain aujourd’hui, est lui-même un croisement entre du blé dur (dont on fait les pâtes) et un aegilops (un type de plantes). Idem pour nos fraises, qui sont des hybrides entre une fraise de Virginie à petits fruits savoureux et une fraise chilienne à gros fruits peu sapides ».

Ces hybridations sont obtenues par pollinisation. Aucune modification du génome n’ayant été faite en laboratoire, il ne s’agit donc en aucun cas d’OGM.

Alors pourquoi un tel regain et

pourquoi les autorités françaises autorisent-elles à nouveau les hybrides depuis 2016 ?

(à la plantation seulement, pas à la commercialisation) .

Sécheresse, gel, virulence des maladies de la vigne, contre lesquelles l’efficacité des traitements diminue, usent nos vignerons. A cela s’ajoute une législation sur l’usage de produits phytosanitaires qui se durcit, en réponse à une demande d’une agriculture plus propre.

Pour noircir le tableau, une nouvelle maladie, la flavescence dorée, que certains considèrent comme « le Phylloxera du 21ème siècle » menace le vignoble. Pour y faire face, trois traitements insecticides sont indispensables (ça fait mal quand on s’inscrit dans une logique bio !). Or certains cépages hybrides comme le Villard blanc, se sont révélés insensibles à la Cicadelle, l’insecte responsable (Dossier Télérama - Jérémie Couston et Jean-Baptiste Roch – 16-09-2020). Et cette fois-ci « Soldat Ryan » ne nous sauvera pas.

Face au défi climatique, les vignerons voudraient donc trouver des cépages mieux adaptés.

Le pépiniériste suisse, Philippe Borioli qui possède déjà 35 000 pieds de vignes hybrides, est convaincu que l’hybridation est la seule alternative aux pesticides. A la demande du gouvernement espagnol, avec un financement à hauteur de 5 millions d’euros, il développe des formes résistantes aux cépages locaux Maccabeu et Tempranillo. « Le résultat est fantastique ! Alors qu’autour des domaines où j’ai travaillé, les cépages classiques ont tous souffert de maladies, les nôtres sont intacts et ce, sans aucun traitement ! ».

Face aux pathogènes, les vignes Vinifera ne peuvent survivre sans traitement. Certains vont jusqu’à parler « d’acharnement thérapeutique ». Et ne croyez pas que les viticulteurs bio ou nature sont les plus « vent debout » face aux hybrides. Certains s’interrogent sur leur usage du cuivre, pas néfaste pour l’homme et l’environnement, mais non sans impact sur la vie des sols.

Dans une enquête consacrée aux cépages hybrides, publiée par la Revue Le Rouge et le Blanc au printemps 2022 (n° 144), Sonia Lopez-Calleja interroge

« les hybrides encore plus bio que le bio » ?

Elle souligne cependant, que le remplacement rapide des cépages classiques auquel vignerons et consommateurs sont attachés – y compris les partisans des hybrides – n’est pas pour demain.

D’abord parce qu’il faudra apprendre à les connaître, à savoir les vinifier pour en tirer le meilleur.

Le Rouge et le Blanc précise encore « Pour l’instant les variétés les plus intéressantes sont capables de produire des vins certes agréables mais peu complexes…… Les vins les plus réussis sont dans un registre simple et agréable (souvent très fruités et noirs en couleur – je vous invite à cet effet à découvrir les excellentes cuvées issues du Seibel du domaine du Vin et Pic, dans la Loire). En revanche, certaines cuvées présentant des aromatiques très atypiques et éloignées de nos référents gustatifs, peuvent déconcerter ».

Surtout, rien ne prouve que les hybrides résisteront dans le temps face aux agents pathogènes, qui ont souvent montré leur capacité à muter, pour s’adapter aux traitements disponibles. C’est un des arguments les plus avancés par les détracteurs des hybrides.

Le changement n’est donc pas pour demain. C’est aussi à nous, consommateurs, d’éveiller nos esprits. Notamment parce que ces hybrides, pourraient être déjà une partie de la réponse en Z.N.T. (zone de non traitement) à proximité des cours d’eau et des habitations.

Nous organisons régulièrement des ateliers de dégustation pour découvrir ces nouveaux cépages. 

Cet atelier pourrait être le vôtre. Contactez-nous