La région des Pouilles en Italie est devenue en quelques années une destination convoitée. Au-delà de visiter ses charmants villages et sa côte déchirée, on y découvre une riche gastronomie locale et une production viticole importante et variée. Longtemps considérée comme « la cave de l’Europe » du fait de sa production de vins rouges chaleureux qui venaient « renforcer » des vins rouges de régions septentrionales, la région a connu à son tour une mue qualitative. Je vous propose de faire connaissance avec les meilleurs crus de la région.
Les Pouilles sont une large bande qui s’étend au sud de la région de Molise, sur plus de 300 km le long de la façade adriatique. Elle a pour capitale, Bari.
Nous commençons notre visite à la pointe sud, dans le Salento, le « talon de la botte italienne », une sorte de péninsule entre mer adriatique et mer ionienne.
C’est avant tout la terre du cépage rouge, Negroamaro (« noir amer »).
Ce cépage, autochtone des Pouilles, jugé parfois rustique de par son aromatique herbacée, épicée et sa signature amère en finale, mérite une attention particulière du vigneron, des rendements maitrisés et un élevage soigné pour s’apprécier dans sa noblesse.
Nous dégustons une cuvée d’assemblage associant très majoritairement le Negroamaro à une pointe de Malvoisie noire. Le vin est ici sous l’appellation la plus prestigieuse du Salento, la DOC (équivalent de notre AOC) Salice Salentino. Ce 2015 en version Riserva s’ouvre sur des notes de cacao et un beau panier de fruits noirs. Le vin est riche en tannins veloutés avec une belle persistance où l’amertume du cépage est bien enrobée par la douceur des épices douces.
On vous servira aisément en restauration, une version rosée du Negroamaro (et aussi du Primitivo) car la région mise beaucoup sur cette couleur, qui progresse mondialement au détriment des vins rouges.
Le Primitivo le plus connu aujourd’hui est celui issu du vaste secteur de Manduria, à proximité de la ville de Tarente, à la frontière avec le Basilicate.
Il se décline en DOC dans sa version rouge traditionnelle et en DOCG dans sa version « doux naturel ». Les italiens ont créé cet « étage » supérieur aux appellations d’origines contrôlées, en précisant la mention « Controllata e Garantita ». Ainsi les Pouilles possèdent 28 DOC et 4 DOCG.
Le Primitivo di Manduria nait à proximité de la mer sur des terres argilo-sableuses, souvent en plaine. De fait il délivre une majorité de vins rouges souvent généreux, aux arômes de fruits noirs compotés. Son absence de tanins incisifs et d’acidité apparente, le rende « facile d’accès » et séducteur. Cela lui vaut une notoriété mondiale grandissante qui entraîne toute la région derrière.
La belle cuvée « Sessantanni », qui comme son nom l’indique est issue de vieilles vignes soixantenaires, se positionne dans ce registre absolu, à la limite de la sucrosité, sur des notes de tabac blond, de chocolat et de café froid. L’équilibre du vin provient de tanins fins, liés à l’âge des vignes, et de notes de balsamique équilibrant la sensation hédoniste du vin.
Son « ancêtre » est situé plus au nord dans la zone des « Murge », sur un plateau karstique d’altitude. Ici, la nature calcaire du sol, avec des vignes en altitude plantées souvent en coteaux, délivre des Primitivo moins « sexy » mais plus frais et minéraux.
Le Primitivo de la cuvée 14 (bio) du domaine Polvanera en DOC Gioia del Colle est aussi enchanteur grâce à ses notes de fruits rouges macérés. Il est cependant moins exubérant avec des tanins plus soyeux que veloutés. Cette sensation est renforcée par l’absence d’élevage en barriques, qui permet de conserver un registre sur le fruit juteux et une note épicée plus végétale que douce.
Je ne peux conclure sur le Primitivo sans conter la désillusion californienne autour du Zinfandel. La Californie qui historiquement possédait beaucoup de vignes de « Zin » pensait détenir son « autochtone ». Les italiens ripostèrent en faisant remarquer que le Zinfandel n’était rien d’autre que leur Primitivo. A l’issu de diverses analyses, de confrontations juridiques « the battle over Zinfandel » les deux parties durent renoncer à leur paternité respective car on découvrit alors que les deux cépages étaient les descendants d’un ancien cépage croate peu exploité, le Crljenak Kastelanski. Zéro partout, balle au centre !
A proximité de l’aire Gioia del Colle se trouve une des appellations les plus intéressantes des Pouilles, Castel del Monte.
L’appellation peut assembler, comme souvent en Italie, des cépages internationaux comme le Chardonnay ou le Cabernet-Sauvignon, avec des cépages-stars des régions voisines, comme le Montepulciano des Abbruzes ou l’Aglianico, connu surtout en Campanie et Basilicate.
Je m’intéresse plutôt à sa version issue du pur Nero di Troia ou Uva di Troia.
D'après la légende, le « raisin de Troie » aurait été importé en Italie par Diomède, l'un des héros dissimulés dans le cheval de Troie. De retour de Troie, son bateau aurait été balayé par une tempête l'échouant sur la côte des Pouilles.
Bien que riche en couleur et tannique, il délivre finalement des vins plus frais et plus souples que ses deux acolytes.
On se régale de la version DOCG Riserva 2014 de chez Torrevento, sur des arômes de marmelade de petits fruits rouges saupoudrée de thym et aromatisée à la réglisse, une version plus subtile des rouges régionaux.
Bien que la région possède une large façade côtière et qu’elle soit majoritairement « rouge », les produits de la mer sont pléthores dans les assiettes et certains vins blancs méritent notre attention.
Le secteur de Locorontando et d’Alberobello , célèbre avant tout pour ses magnifiques « Trulli » , maisons cylindriques surmontées d’un cône, construites uniquement en pierres sèches, sans mortier, nous livre de jolis blancs et notamment ce pur Minutolo.
« Ce cépage ancien, typique de notre sud et en particulier des Pouilles, doit son nom à la forme particulière de ses grappes, constituées de baies petites et fragiles. Des « minutes », en fait. La Vallée d'Itria est un lieu particulièrement propice à la culture de ce cépage qui n'a été redécouvert et mis en valeur que depuis quelques années » (données du site Web I Pastrini).
La cuvée « Rampone » en IGP Valle d’itria de la maison I Pastini nous donne envie de quelques seiches sautées à l’ail. L’ail qui ne fera pas peur à ce vin tout en fragrances florales et fruitées (fruits exotiques) avec une franche vivacité qui convient particulièrement aux produits de la mer.
Nous ne pourrions terminer ce tour œnologique des Pouilles sans évoquer son cépage blanc le plus identitaire, à savoir la Verdeca, qui par son acidité naturelle se décline aussi en version effervescente.
Elle tire son nom de sa couleur très pâle tirant sur le vert.
Nous goutons ce cépage en assemblage dans la cuvée Eda de la Cantina San Marzano. Cet assemblage de Chardonnay, Verdeca, Fiano et Bombino Bianco s’en sort « haut la main » face à cette daurade rôtie servie avec des artichauts en lamelles, grillés, des oriechiette (la variété de pâtes incontournable dans les Pouilles), pignons de pins et tomates séchées.
On sent bien « l’élevage à la Bourguignonne » dans ce vin qui a effectivement connu un passage sous bois. Il évoque la fleur blanche, la pêche avec un soupçon de vanille. Au-delà du gras en cœur de bouche, sa finale met heureusement en valeur sa fraicheur (acide et minérale) qui vient équilibrer le vin.
La découverte sur place des vins des Pouilles fut instructive. Instinctivement et après dégustation de retour en France, je dirai que cette région n’est pas ma favorite en Italie. Beaucoup de vins servis à table étaient « sans éclat » ou à mon goût « trop travaillés » pour plaire au plus grand nombre. Le chemin à parcourir est encore important pour cette région qui, il y a encore peu, était dédiée aux vins de masse. Cependant les cépages présents sont de qualité et une évolution, à l’instar de la montée en gamme languedocienne, est possible.
Nous aurions plaisir à vous faire découvrir ces jolis crus.