vignoble a Trevi Italie

L’Ombrie, c’est un coin d’Italie un peu secret, à l’épreuve du « surtourisme », blotti entre la Toscane, les Marches et le Latium. Pas de littoral ici, mais un charme fou qui lui vaut le surnom de « cœur vert de l’Italie ». Autour du lac Trasimène, les villages médiévaux perchés sur des collines sauvages, alignent leurs beautés ornées d’oliviers et de vignes.

Car en Ombrie, on fait du vin depuis que les Étrusques ont planté leurs premières vignes. Aujourd’hui encore, la région, bien que modeste par sa taille, déploie 17 000 hectares de vignobles (un peu plus que le vignoble alsacien et 2% du vignoble italien). Le climat, continental, offre des hivers froids, des étés chauds, et un bon niveau d’humidité grâce à un réseau hydrographique généreux. La végétation dense tempère les excès, et les sols, variés et riches, font le reste.

Sur les collines calcaires, ce sont les blancs qui s’épanouissent. Et ils sont rois ici, représentant 80 % de la production. Les zones à vins rouges, elles, se trouvent davantage sur les terres argileuses, comme à Torgiano ou Montefalco.

Le vignoble ombrien s’organise en quatre grandes zones. La première, autour de Torgiano, proche d’Assise et de Pérouse, deux villes au patrimoine culturel impressionnant. Puis viennent ensuite les terroirs autour du lac Trasimène, et enfin ceux de Montefalco et d’Orvieto que je me propose de vous faire découvrir.

Petite par la taille, grande par la diversité, l’Ombrie viticole a su rester fidèle à ses racines tout en s’ouvrant à la modernité. Une région que j’ai redécouverte un verre à la main, entre deux promenades dans les collines.

Montefalco, le retour en grâce d’un vin pas comme les autres

Il était une fois un cépage oublié, presque enterré, qui a fini par revenir sur le devant de la scène avec panache : le Sagrantino. Né dans les hauteurs de Montefalco, charmante bourgade perchée au sud de Pérouse, ce rouge ultra-tannique a bien failli tirer sa révérence. Pourtant, il a su renaître grâce à quelques vignerons obstinés.

Au 17ᵉ siècle, selon la légende, un exorciste aurait guéri un possédé en lui faisant boire ce vin rouge local. Un vin jadis réservé aux sacrements, comme le laisse deviner son nom « Sagrantino ». Mais l’histoire n’a pas toujours été aussi glorieuse : phylloxéra, guerres, modernisation… Le Sagrantino a peu à peu disparu au profit de cépages plus rentables.

Dans les années 1960, la production touchait le fond. Il restait à peine quelques hectares, et surtout du passito, version liquoreuse du vin, pas franchement dans l’air du temps. Il a fallu attendre les années 80 pour que des pionniers y croient à nouveau. Le résultat ? Une renaissance spectaculaire : la surface plantée a été multipliée par six et le vin a décroché la prestigieuse DOCG (74 appellations d’origine contrôlée et garantie, le nec plus ultra en Italie) en 1992.

Mais attention, tout n’est pas si simple. Le Sagrantino reste un vin difficile. Très riche en tanins, il demande un vrai savoir-faire pour être dompté. Mal maîtrisé, il peut devenir râpeux. Et même bien travaillé, il ne plaira pas à tout le monde. Pourtant, son caractère affirmé séduit de plus en plus d’amateurs. Le climat qui se réchauffe l’aide aussi à atteindre des maturités plus abouties.

Le terroir, lui, est aussi varié que les styles de vins produits. Autant dire qu’il n’existe pas un Sagrantino, pas un Montefalco, mais une multitude de visages. 

Car oui, il ne faut pas négliger les autres cuvées du coin. Le Montefalco Rosso DOC par exemple, allie le Sangiovese (le grand cépage rouge toscan, star des cépages italiens, omniprésent en Italie) au Sagrantino pour un vin souvent plus accessible, mais pas moins intéressant.  J’en veux pour preuve ce superbe Sangiovese assemblé, « Molinetta » 2020 du domaine Romanelli, aux notes de baies sauvages et de prunes. 

Alors non, Montefalco ne rivalise pas encore avec Barolo ou Brunello di Montalcino en termes de prestige. Mais ce petit coin d’Ombrie a su faire de son vin un symbole de résistance, d’identité et de caractère. Ça mérite qu’on y trempe les lèvres.

D’autant plus que pour une DOCG italienne, les tarifs restent encore accessibles. Hormis les rares cuvées de chez Paolo Bea qui se négocient au-delà des 200 euros, on peut s’offrir pour une cinquantaine d’euros, un millésime affiné et un vin « fouillé » représentatif du potentiel du Sagrantino, comme ce millésime 2017 de la Tenuta Saragano. Ce vin puissant mais aux tanins apaisés, offre une palette aromatique impressionnante autour d’un cœur de bouche plein et velouté.

DOCG rouges mais domination des blancs 

A quelques encablures de Montefalco, se trouve un autre trésor culturel, Spoletto. Une énième variation du cépage Trebbiano, le Trebbiano Spoletino, encore méconnu, est pourtant l’un des plus beaux trésors blancs de l’Ombrie. 

Rien à voir avec son cousin toscan, le Trebbiano Toscano, dont la version française est le peu aromatique et donc peu flatteur, Ugni blanc. Ici, on parle d’un cépage plein de peps, qui donne des vins élégants, parfumés, aux notes fruitées, exotiques, complétées d’une touche d’épices. Pour une dizaine d’euros, je me suis largement fait plaisir avec ce Spoleto DOC « Miracolo Azzuro » 2023 de la Cantina Benedetti & Grigi, élevé sur lies fines. 

Les versions élevées en barrique goûtées sur place dénaturaient selon moi le cépage, lui faisant perdre de sa « fringance ».

Très surprenant et agréable aussi fut la dégustation de vins blancs issus du cépage Grechetto. Son gras en cœur de bouche et sa belle amertume en final m’évoque notre Marsanne rhodanienne. En mono-cépage, j’ai particulièrement apprécié la cuvée du domaine Di Filippo aux arômes d’amandes, de fruits exotiques, de pêche et de sureau. L’approche bio-dynamique du domaine conférait au vin une minéralité sapide équilibrant parfaitement le vin.

Mais je ne peux par parler des blancs d’Ombrie et du Grechetto, sans évoquer Orvieto, ses vins et la façade de son Duomo, œuvre gothique médiévale somptueuse…encore plus captivante devant, que ma délicieuse gelato à la noisette du piémont…c’est dire ! 

Orvieto donc, perchée sur sa colline de tuf volcanique, a le vin « dans la roche » ! Déjà les Étrusques y creusaient des caves pour conserver leurs crus, profitant des propriétés naturelles du sol. Et ce n’est pas un caprice : même le pape Grégoire XVI a demandé qu’on le lave au vin d’Orvieto avant sa mise en terre. Rien que ça !

Ce vin blanc, longtemps chéri par les écrivains et les pontifes, est aujourd’hui encore un symbole de l’Ombrie. Il est issu d’un assemblage dominé par le Procanico  (nom local du Trebbiano Toscano), heureusement complété de Grechetto et autres cépages locaux ou internationaux.  Sur ce sol très calcaire, les vins se font ici plus aériens, à l’image de la cuvée « Castagnolo » 2023 de la Tenuta Barberini en DOC Orvieto Classico Superiore, dominée par nos deux cépages, complétée d’une touche de Chardonnay et de Riesling. 

Le vin offre d’intenses notes de fruits frais et une minéralité qui accompagna joyeusement ce jour-là mon plat de porchetta (porc rôti aux épices servi partout en Ombrie) accompagné de cèpes à l’ail.

Beauté des paysages, villages médiévaux séducteurs, vins qui méritent amplement la découverte… Vous-ai-je convaincu d’ajouter l’Ombrie à votre « To-Go List » ?

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