Comment ça, on peut boire un GSM ??? Pour nous français, c'est un téléphone mobile ! Mais pour un Australien ou un Sud-Africain, c'est surtout un vin rouge issu d'un assemblage de Grenache, Syrah et Mourvèdre. Mention plus facile à retenir donc plus efficace commercialement.
Nous avons là une des illustrations de ce qui sépare "l'Ancien" du "Nouveau monde".
Quand l'Europe et le Proche-Orient, berceaux de la vigne, ont plutôt pour tradition d'assembler différents cépages ou raisins, le "Nouveau monde" se positionne plutôt sur des vins de cépage.
En général on entend par assemblage, la pratique qui consiste à mélanger différents cépages pour élaborer un vin. Pour autant l'assemblage peut aussi consister à élaborer un vin d'un seul cépage, mais dont les raisins sont issus de différentes parcelles, ayant notamment des propriétés de sols différentes. Jean-Louis Chave par exemple, souvent présenté comme le plus grand vigneron de la Vallée du Rhône septentrionale, considère que pour produire son grand vin rouge d'Hermitage, il lui faut assembler des Syrah en provenance de différentes parcelles.
A Sancerre, il est maintenant d'usage de proposer des vins de purs sauvignons blancs, issus de parcelles identifiées, comme Chêne Marchand ou Les Monts Damnés. Pourtant, la pratique quasi-exclusive à Sancerre, fut longtemps, d'assembler des Sauvignons sur les trois types de sols différents présents sur le secteur.
A Sancerre comme ailleurs, l'argument avancé pour ces cuvées parcellaires, est qu'elles font ressortir l'impact du terroir sur le cépage. C'est indiscutable... tout comme le vigneron en démultipliant ses cuvées qui augmente son CA.
Nécessairement, la lecture des cépages est plus facile quand on travaille un seul raisin. Il est plus facile d'identifier sa palette aromatique. Mais que notre gewurztraminer sente le litchi ou la rose ne nous indique pas si le vin est meilleur dans un cas ou dans l'autre .
En fait c'est peut-être à Alexis Lichine, parfois appelé "le pape du vin" à Bordeaux, que l'on doit l'émergence des vins de cépages. Représentant de nombreux domaines aux Etats-Unis pendant l'entre deux-guerres, il invita certains propriétaires californiens à dénommer leurs vins par leurs cépages, et non pas par leur terroir d'origine, dans le but de faciliter la lecture des vins par l'amateur.
De là, le mouvement s'étendit à l'ensemble des nouveaux vignobles mondiaux, à l'histoire viticole récente, à l'instar de
l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et d'autres, où la notion de terroir presque inexistante pour le quidam, cédait la place à une vision plus simple de consommer un vin issu d'un cépage particulier.
Il faut imaginer la complexité pour un étranger à comprendre nos appellations.
Au delà d'être déjà très nombreuses, elles nécessitent pour chacune, de comprendre au minimum, un lien entre types de sols, de cépages et de climat.
Il est plus simple pour un néo-zélandais d'acheter "un gout "de pinot noir en provenance d'un immense secteur comme Marlborough, que de comprendre la différence entre deux appellations comme Quincy et Pouilly-Fumé, distantes seulement de quelques kilomètres.
Dans ce cas, pourquoi continuer en Europe à travailler traditionnellement en vins d'assemblage ?
La raison première est de diminuer le risque pour le vigneron.
Prenez Bordeaux, où Merlot et Cabernets se retrouvent majoritairement dans les vins rouges. Le Cabernet-Sauvignon a une maturité plus tardive que le Merlot. Quand le soleil est peu généreux en fin de saison, le Cabernet peine à murir. Pour ces millésimes, le vigneron privilégiera ainsi le Merlot dans son assemblage, afin d'élaborer un vin de meilleure qualité. A contrario, des années solaires sont moins favorables au Merlot qui monte vite en degrés d'alcool. Dès lors, pour un meilleur équilibre dans le vin, le recours aux Cabernets s'avère salutaire.
Dans les vignobles méridionaux, on obtient des vins rouges de plus grande complexité grâce à l'assemblage.
La "chaleur" du Grenache est tempérée par le fruité du Cinsault, quand le Mourvèdre apporte sa structure et la Syrah un supplément de finesse. Grâce à son savoir-faire dans la répartition de chacun de ces cépages, le vigneron se distinguera en sortant l'assemblage parfait en fonction du millésime, et de son impact sur chaque cépage.
Dom Pérignon l'avait remarqué en Champagne. Il compris que d'assembler des raisins différents, de surcroît sélectionnés sur différentes zones, permettait d'améliorer considérablement la qualité du vin. Cela reste tellement vrai que l'élaboration des vins effervescents, cette fois-ci partout dans le monde, est très majoritairement marquée par l' assemblage.
Pour autant, il serait faux d'affirmer que les vins d'assemblages sont supérieurs aux vins de cépages.
L'Alsace, la Loire, la Bourgogne, et d'autres en France, élaborent de grands vins en mono-cépage. L'adéquation est parfois évidente, comme dans le cas des vins issus du Chenin, sur sols de schistes ou tuffeau en bord de Loire. Mais les vignerons du secteur savent aussi qu'en ayant un seul cépage, ils sont soumis à des risques plus élevés, en cas d'incident climatique.
Il n'existe à ma connaissance, aucune données statistiques officielles sur la proportion entre vins de cépage et vins d'assemblage dans le monde.
Il est cependant évident que la tendance est de plus en plus à produire des vins de cépages, plus simples à comprendre pour le consommateur.
L'IGP-Pays d'Oc (presque aussi importante en volume que tous les vignobles de Bordeaux réunis) en est une parfaite illustration. L'IGP produit 90% de vins de cépages.